Mon enfant a accumulé du retard, je le fais bosser cet été ?
Publié le 23 juin 2021
Paru dans le Ligueur des parents du 23 juin 2021
Cette question, dernier bulletin en poche, vous êtes beaucoup à vous la poser. Si, d’ordinaire, il s’agit d’un de nos sujets récurrents que l’on maîtrise sur le bout des griffes, avec cet improbable contexte, on se retrouve un peu démunis. Demandons donc ce qu’ils en pensent à celles et ceux qui sont en contact permanent avec nos enfants, les préfets et les profs.
« Rassurez les parents, si n’est qu’une question de retard, ça se rattrape tout de suite. Ce qui m’inquiète le plus, c’est le décrochage. Bien plus grave. Je constate que beaucoup d’élèves ne veulent plus. Ne peuvent plus. Ils ont coupé les liens avec l’école. Mais en ce qui concerne les petites lacunes ? C’est simple : repos. Et pour tout le monde ».
Cette proposition, c’est Françoise Cornet, coordinatrice d’Échec à l’échec pour la région de Liège, qui la met entre nos mains.Et on se dit que voilà un projet qui semble tout à fait réalisable.
On décompresse
On frappe à la porte de Christophe Butstraen que nos lecteurs et lectrices connaissent bien pour ses ouvrages concernant les usages du web. Ici, c’est sa casquette de préfet des études dans un établissement de plus 2 500 élèves du Brabant wallon qui nous intéresse.
« Le contexte a engendré une sacrée pagaille. On a dit et redit que les enseignant·e·s devaient se limiter à l’essentiel. Certain·e·s ont suivi, d’autres non. Ce qui fait que pour chaque parent, c’est complexe. Aucune situation ne ressemble à une autre. Mais une chose est certaine : tout le monde doit profiter de ce temps pour décompresser. Nos enfants en ont besoin. Nous en avons besoin. Les réactions sont tellement exacerbées, on sent tout le monde à fleur de peau en cette fin d’année. La seule mission des un·e·s et des autres consiste à faire baisser la pression. »
Mais, alors, quel est le plan cet été ? Ne rien faire ? La belle affaire… On sait très bien que, comme les devoirs, les notes ou même les corrections au stylo rouge, presque 50 % des parents sont rassurés par le fait de faire travailler les enfants. De revoir ensemble les bases. Que dit-on à ces familles qui n’entendront pas rester les doigts de pied en éventail ? À ces pères et mères qui veulent maintenir coûte que coûte le « drill », ce terme issu du monde militaire, auquel on ne goûte pas nécessairement…
Françoise Cornet a les mots qui conviennent : « Je me doute que des parents vont paniquer et se dire que leur enfant risque de repartir sur de mauvaises bases à la rentrée. Avant d’en dire plus sur un éventuel plan d’attaque cet été, j’insiste sur le fait que peu importe le contexte, après une année éprouvante sur bien des plans, on ne va pas demander aux enfants de travailler tout l’été. Ils ont le droit de goûter à une vie un tant soit peu normale, calme, reposante et revigorante. Et si révision ou travail il y a, ça ne doit surtout pas être présenté comme une punition. L’idée, c’est de leur expliquer que vous allez les aider à se sentir mieux et arriver avec de bonnes dispositions dès la rentrée ».
Tiens, puisqu’on en parle, voyons si tous les degrés scolaires vont connaître le même sort en septembre prochain.
Plusieurs rentrées
Peut-être que certains parents ne comprennent pas exactement de quoi parlent nos expert·e·s quand ils évoquent cette année si difficile, si éprouvante pour les élèves. Si une écrasante majorité d’enfants sort d’une saison scolaire en dents de scie, les effets de cette année à trous ne sont pas les mêmes pour toutes et tous.
Pour les maternelles et les primaires, la navigation s’est faite sans trop d’agitation. Si ce n’est les bulles, les quarantaines à répétition et tout ce que le contexte a engendré comme lot d’inattendu, les cours, eux, se sont déroulés avec une certaine fluidité. Ces deux mois d’été ne changent rien aux conseils habituellement prodigués.
Rappelons-les : les acquis de votre enfant ne s’envoleront pas durant les vacances. Au contraire, les activités de l’été comme la lecture, les visites, les camps scouts, les musées, les jeux, les stages ou tout simplement les discussions en tribu permettent de mettre en pratique leurs connaissances. Donc de progresser, de consolider, sans en avoir l’air. Et si la marmaille réclame le fameux cahier de vacances, ou si ça vous rassure ? Pas de souci… si tout cela reste sans obligation de résultats et juste pour le plaisir.
C’est au niveau des différents cycles de secondaires que ça se complexifie. Retranchons-nous derrière nos expert·e·s pour nous aiguiller. « En ce qui concerne le premier cycle, les cours ont été dispensés de façon presque normale, avec une baisse significative d’activité tout de même. Le niveau des classes a chuté, quoi de plus normal ? Les gamin·e·s ont bossé à la maison. Parfois avec les deux parents eux-mêmes en télétravail. Autant dire que la motivation en a pris un coup, rembobine Françoise Cornet. Ça se complique à partir du second degré où le rythme a été généralement plus syncopé. Une semaine en présentiel/une semaine en Zoom ou Teams, bref sur l’ordi. Là, on a vu plein d’élèves qui ne se connectaient plus ou ont pimenté les cours en faisant des singeries. Quant à ceux et celles qui terminent leur 6e , ils et elles connaissent une fin de parcours incompréhensible où ils et elles ponctuent toutes ces années quasi sans revoir les ami·e·s. Psychologiquement, c’est très éprouvant ».
Alors, comment y voir plus clair ? Comment réattaquer sur de bonnes bases ? On retrouve Christophe Butstraen, conscient des enjeux, mais serein. « Dès la rentrée de septembre, le boulot des parents va consister à être observateurs. Tout va se jouer dès les premières semaines. Prenez un temps pour être certain·e·s que les bases se consolident et que votre enfant tienne bien la marée. Il faut discuter avec l’enfant et établir un pacte. Il va falloir s’accrocher. Le mot d’ordre des conseils de classes pour cette fin d’année a consisté à dire : ’45-48 % ? On fait passer quand même dans la classe supérieure’. Ce qui signifie que beaucoup d’enfants vont reprendre avec des lacunes. Les profs le savent. Mais on sait bien que d’autres vont faire comme si de rien n’était. D’où l’importance – et j’insiste lourdement – du suivi du journal de classe ».
En un mot, on décompresse pour attaquer sur des bases plus costaudes que les autres années. Mais alors quand et comment se prépare-t-on à cette rentrée musclée ?
Une fin d’été studieuse… mais cool
Mi-août. Les batteries sont rechargées chez tout le monde. Ça y est, l’été commence à exhaler le parfum de la reprise. Alors on réattaque en douceur. Première règle : investir là où il y a des besoins. Françoise Cornet déballe les enjeux.
« L’idée consiste à sortir son enfant du brouillard. Trouver ensemble une méthode de travail qui pourra être réajustée tout au long de l’année, mais qui servira de socle. Pour avoir les clés, les codes. C’est ce qui sauve tout, de la primaire à l’université. La qualité doit primer sur la quantité. Déchargeons un peu le parent. Quoi qu’il en soit, son rôle ne consiste pas à rattraper le programme de l’année, mais à accompagner. Il peut en revanche favoriser un terrain propice à une ambiance studieuse. Favoriser une vie saine, alimentaire, sportive, faite de sommeil réparateur et de bonne ambiance. Aussi, qu’il parte des goûts de son enfant pour l’accrocher. Il ou elle ne lit pas et déteste ça ? Ne lui mettez pas Maupassant directement entre les mains. En revanche, le sport, c’est son truc, par exemple ? Alors on lui achète So Foot et on lui fait découvrir petit à petit le plaisir des mots. Ça marche comme ça avec beaucoup de choses. Les maths et la cuisine. La géographie et le fait de voyager. Apprendre l’air de rien, quoi. »
Mais, alors, s’il fallait résumer, quels sont les grands préceptes à respecter cet été ? Christophe Butstraen le fait pour nous : « 1. On est cool. 2. On bosse une heure grand maximum par jour ou un peu plus les deux dernières semaines d’août. Chacun son rythme en fonction des difficultés. 3. Surtout, on suit son enfant avec assiduité dès les premiers jours de la rentrée pour éviter qu’il ne soit largué ». À placarder en grand sur sa glacière cet été.