Tracasse, je gère
Publié le 29 octobre 2020 et mis à jour le 31 octobre 2020
Que faire des émotions qui nous traversent en cette période Covid ? Les gérer. Oui, mais comment ? Le Ligueur a frappé à la porte de Christelle Rasez, thérapeute holistique en reconnexion émotionnelle et Mireille Pauluis, psychologue.
La classe de votre enfant a fermé et l’école vous le renvoie à la maison. Colère. Vous aviez prévu plein de chouettes activités pour la semaine de Toussaint et elles tombent à l’eau. Frustration. Vous ne voyez plus vos (grands-)parents pour les protéger. Tristesse. Dur, dur de se sentir joyeux et gai par les temps qui courent. Alors, comment faire pour gérer ces émotions ?
Première mise au point de Christelle Rasez : « Les émotions ont toutes leur utilité. Elles jouent un rôle de messagers. Prenons la joie, elle nous signale que ce que nous vivons est positif et nous fait du bien. La tristesse, à l’inverse, est une forme de deuil à faire lorsqu’on vient de passer un super week-end et que c’est la fin, par exemple. Ajoutez à cela la colère, la peur et le dégoût et vous avez les cinq émotions de base ».
Première étape : reconnaître l’émotion
Nos interlocutrices sont unanimes : pour gérer une émotion, la première chose à faire, c’est de la reconnaître et la nommer. Christelle Rasez explique : « En tant que parent, le réflexe est souvent de chercher des solutions, mais c’est un peu comme mettre un couvercle sur une casserole qui bout. Ça n’empêchera pas qu’elle déborde à un moment si on ne la laisse pas s’exprimer ».
Mireille Pauluis ajoute : « Lorsqu’on est dans un état émotionnel fort, on a d’abord besoin d’être reconnu. Nommer et reconnaître l’émotion permet à celui qui la vit de se sentir entendu. Le parent a une fonction contenante qui va permettre à l’enfant de dire son trop plein sans déborder ».
Reconnaître et nommer, donc. Et surtout ne pas conseiller ou chercher à solutionner directement. Lorsqu’une émotion prend le dessus, l’enfant est submergé. Il n’est pas en capacité d’entendre ou de réagir à ce moment-là. Être à ses côtés et observer, c’est déjà beaucoup. « Tiens, je vois que ça ne va pas. Tu sembles avoir peur de quelque chose ».
C’est seulement dans un second temps, quand l’émotion a pu être vécue, que l’on peut questionner. « De quoi as-tu besoin pour que ça aille mieux ? Qu’est-ce qui te ferait du bien ? ». L’enfant a peut-être déjà en lui la solution et chaque situation est unique. Pas de recette universelle, donc. Certains enfants auront besoin d’évacuer un trop plein d’énergie et de se défouler au jardin, d’autres de retrouver de l’apaisement en dessinant ou encore de dédramatiser par une partie de chatouilles. Aidez-le en le mettant sur la voie avec quelques questions.
Sans s’oublier pour autant…
Et si le contexte nous invitait à nous connecter davantage à nos émotions et besoins ? C’est un apprentissage comme l’explique Christelle Rasez. « Une émotion, c’est un besoin qui n’a pas été respecté. Se respecter ou plutôt être à l’écoute de ses besoins, c’est tout un apprentissage. On l’apprend aujourd’hui aux enfants, mais ce n’était pas le cas il y a vingt ou trente ans. Je vois en consultation des parents qui s’oublient complètement, qui se plient en quatre pour leurs enfants sans être à l’écoute de leurs propres besoins. Prendre du temps pour soi, se déconnecter des autres, faire une activité qui lui fait du bien… C’est important que le parent s’autorise aussi à écouter ses besoins et fasse preuve de bienveillance vis-à-vis de lui-même ».
Tout comme il le fait avec son enfant, le parent peut aussi nommer et reconnaître son émotion. « Je me sens inquiet, j’ai peur qu’on reconfine » . Ce qui est important lorsque le parent partage son émotion, c’est d’expliquer à l’enfant qu’il n’est pas responsable et qu’il n’y est pour rien. De même, le parent peut également exprimer un besoin en réclamant un câlin ou un temps pour lui selon ce qu’il ressent », explique Mireille Pauluis.
Pour faciliter l’expression des émotions et besoins, pourquoi ne pas instaurer un petit rituel de météo du cœur ? Cela peut se faire au moment d’établir le programme de la journée. « Aujourd’hui je me sens un peu stressée, je voudrais bien pouvoir me défouler, ça me ferait du bien une promenade en rollers. Et toi, comment te sens-tu ? ». On le sait, les enfants aiment les rituels et la répétition les sécurise. Ce serait dommage de s’en priver.
« La clé, c’est la joie »
Gérer l’incertitude, faire face à de mauvaises nouvelles, voir son champ de possibles s’amenuiser engendre de l’angoisse et du stress. Comment rééquilibrer la balance ? « La seule chose qui puisse soigner le stress, c’est d’injecter dans sa vie du bonheur. La clé, c’est la joie. À chaque famille d’identifier ce qui la met en joie. Il y a ce besoin impératif de remettre de la joie dans nos vies, de prévoir chaque jour une activité qui fait du bien. Faire en sorte d’avoir bon, tout simplement », explique Mireille Pauluis. Et pour que la joie immerge, rien de telle que la créativité et l’imagination, complète Christelle Rasez.
Clémentine Rasquin
LES CONSEILS DES EXPERTES
FAIRE FACE AU STRESS ET À L’ANGOISSE ENGENDRÉS PAR LE COVID
► Christelle Rasez : « Une des clés pour moi est de me reconnecter à moi, à mes essentiels, à ce qui me met en joie comme la musique. C’est à l’image du masque à oxygène dans les avions : c’est au parent à le mettre en premier pour pouvoir être disponible et aider son enfant. Prendre soin de soi pour prendre soin des autres. Et puis, on sait que la joie et l’amour augmentent notre immunité, ce serait dommage de s’en priver ».
► Mireille Pauluis : « Il y a un truc que je fais depuis que je suis toute petite, c’est que j’ai toujours un plan B. J’essaye de voir ce qui est toujours possible et de recréer un projet avec l’enfant autour de cela. Le cinéma ou le resto sont fermés. Regardons ce qui est disponible dans l’armoire à DVD et pourquoi pas sortir avec un bon thermos de soupe faire un pique-nique dans les bois ? Identifier ce qui peut faire plaisir, mais autrement, avec de petits bonheurs tout simples ».